21 octobre 2008

El Mercado Binacional

Lundi matin, jour de marché. Le réveil est matinal, 6 heures, j’entends des gens qui discutent (fort !) dans la cour juste derrière …. Les vendeurs, eux, doivent être levés depuis bien plus longtemps, certains (surtout haïtiens) devant parcourir de grandes distances pour venir vendre ou acheter sur le marché de Dajabon. Dehors, c’est l’agitation, les va-et-vient entre  les deux côtés de la frontière sont incessants, les gens marchent vite, courent, se bousculent, les haïtiens sont chargés comme de baudets, ils tirent des charettes surchargées, des brouettes qui débordent de marchandises, portent de bassines sur leur tête qui doivent peser des tonnes,  des sacs plein à craquer … Tout cela sans parler des dominicains qui, comme je vous le disais précédemment, ne quittent pas leurs motos et veulent à tout prix passer entre les étales, les porteurs haïtiens, les acheteurs, les vendeurs ambulants … je vous laisse imaginer la cohue ! Maintenant imaginez deux blanches au milieu de tout cela, dont une (moi) appareil au poing … Certains nous regardent intrigués, d’autres amusés, nous nous faisons tantôt appeler “blanc blanc” par les haitiens, tantôt “americanas” par les dominicains, certains aiment qu’on leur tire le portrait, d’autres grondent en voyant l’appareil s’approcher… les moues, les sourires, les couleurs, les chapeaux, tout donne envie de canarder…

En réalité, c’est toute la ville qui est en ébullition. Les marchandes ambulantes haïtiennes sillonnent les rues en vendant des culottes, du dentifrice, des avocats, les trottoirs sont envahis de petites étales improvisées, à même le sol, comprenant quelques produits de toutes sortes. Sur le marché en lui-même, on trouve à peu près de tout : des fruits (citron, oranges, bananes, ananas, fruits de la passion, papayes, goyaves ainsi que d’autres dont je ne connais encore ni le nom, ni la saveur), des légumes (tomates, salades, carottes –énormes-, avocats, pdt, poivrons, aubergines, courges, brocoli, etc), du riz, des pâtes, du sucre, des épices, des espèces d’énormes saucissons style saucisses zwan géantes, des poissons séchés, du savon, des casseroles, des sèches cheveux, des sacs, des chaussures & vêtements de seconde main venus directement de nos pays (dont des pantalons de ski, si si, je vous assure !)… On se croirait vraiment en Afrique … sans les mouches, ou presque !

Si ce marché binational, bihebdomadaire, n’était pas le théâtre d’abus de différentes natures (perception de taxes illicites, droit de passage abusif à la frontière, abus de pouvoir des miliciens du CESFRONT, corruption, traite d’êtres humains, traffic de drogue – je n’ai pas encore pu constater de mes yeux vus, ces dernières infractions mais c’est bel et bien le cas …) ce marché serait tout simplement une merveilleuse occasion donnée aux deux communautés voisines, haïtienne et dominicaine, de partager denrées et produits, commerce et besoins, culture et langues, pour le meilleur intérêt de chacun … La réalité est malheureusement plus complexe et moins réjouissante, raison pour laquelle Centro Puento, comme d’autres associations touchant aux problématiques frontalières et aux flux migratoires, ont vu le jour ici, à Dajabon !

14 octobre 2008

Une réalité bien différente ...

Ce week end, nous avions décidé d’échapper au bruit de Dajabon et d’aller dire un petit bonjour à nos nouveaux amis canadiens le vendedi soir et ensuite, de profiter de leur lift vers Puerto Plata pour passer le we à la playa.

Direction Loma de Cabrera donc, vendredi après le “boulot”, pour une soirée bien arrosée et dansante avec nos géologues – chercheurs d’or : Marie-Jo, Karl (rencontrés à Monte Cristi dimanche dernier), François et Isaac, leurs deux comparses.

Samedi, 3 heures à peine après nous être couchées, nous embarquons dans la jeep direction Puerto Plata. 3 heures de route à vive allure, une fuite et un changement de véhicule plus tard, nous voilà arrivées à Sosua d’abord, pour un petit déjeuner au milieu des boutiques à touristes plantées les unes à côté des autres sur le bord de la plage … Le paysage est déjà bien différent de celui de Dajabon : touristes à gogo, souvenirs bidons, rabatteurs s’adressant à nous en Anglais (suis-je bête, nous sommes blanches, donc forcément américaines … ) et essayant de nous vendre des tableaux haitiens, des statuettes africaines ou des pareos horribles … tourisme de masse, nous voilà !

C'était sans compter sur ce qui nous attendait après … nous allions retrouver Paola (argentine) et Apokalipsis (Mexicaine), toutes deux coopérantes Progessio, à l’hôtel Barcelo, all inclusive de Playa Dorada. Une fois l’entrée passée, nous entrons dans un autre monde : pelouse verdoyante coupée rase, voiturettes de golf et camions chargés de touristes ventripotants (bien plus encore que nos dominicains), grosses voitures blinquantes, hôtels flambant neufs, gardiens, grooms, … A peine nous sommes nous enregistrées à la réception qu’on nous attache au poignet un de ces fameux bracelets qui donne accès à tous ce qui est inclus dans le prix, à savoir boissons et bouffe essentiellement. Je vous laisse donc imaginer à quoi les gens passent leur temps dans ce genre d’établissement … ce qui explique sans doute pourquoi ils sont peuplés de tellement de personnes obèses et bourrées du matin au soir … voir autant de bouffe, autant de gens s’empifrer comme cela, c’est vraiment écoeurant quand on vient d’un endroit où nous croisons tous les jours des gens qui n’ont pas de quoi manger et qui nous réclament à peine 5 pesos (moins de 10 centimes d’euro) pour essayer, à la fin de la journée, d’avoir suffisamment récolté pour se mettre un petit quelque chose dans l’estomac…  

Ce sont sans doute des vacances intéressantes du point de vue budget pour nous européens… ce sont sans doute des vacances faciles où on ne se soucie de rien, à part des horaires des différents bars & restaurants … des vacances de rêve sans doute pour certains, au bord d’une belle plage, où les sièges sont idéaux pour se faire rôtir toute la journée, juste à côté d’un bar et d’un restaurant où l’on peut aller se sustenter sans aucune limite … mais pour moi, cela a définitivement résolu la question de savoir si je retournerais dans ce genre d’établissement, par la négative … Où sont donc les petites cabañas sur la plage, les petites posadas pleines de charme où l’on peut discuter avec le tenancier, les paillotes où l’on peut manger du poissons fraîchement pêchés le matin, les petits bars sur la plage où l’on peut dégouster une bière ou un cocktail tranquille, au milieu des locaux, en écoutant du merengue ??? Je compte bien mettre à profit les we qui me restent pour les dégoter ces joyaux authentiques, ces vrais endroits dépaysants, loin, très loin de cette masse de touristes todo incluido !

8 octobre 2008

Premières Impressions

Voilà plus d’une semaine que je suis ici, à Dajabon, à la frontière entre la Rép. Dom. et Haïti, il est donc grand temps de vous faire part de mes premières impressions.

Je m’attendais à débarquer dans une ville frontière à l’ambiance un peu glauque et sordide, je suis donc agréablement surprise par Dajabon, qui est en réalité un gros village, avec ses personnages connus et/ou reconnus, ses petites épiceries ou colmados à chaque coin de rue, son super marché, sa pompe Texaco, à côté de laquelle a ouvert un des endroits les plus « tendance » de la ville : le café Beller, du nom de la famille qui possède tout ou presque ici … Ses fêtes patronales aussi, célébrées depuis mon arrivée, avec élection de la Miss des  patronales, toute de brillants et paillettes vêtue, concerts tous les soirs, « attractions » de type « grand roue » et balancelles (héritages d’une autre époque, je vous assure, ça fait peur !), sa musique tonitruante, ses bières Presidente, son rhum Brugal (pas le meilleur mais il se laisse boire avec un glaçon, un peu de sucre de canne et de citron vert … ça vous donne envie hein ?!) et, en conséquence, ses borachitos en fin de soirée. La « ville » est donc en ébullition depuis une semaine et c’est franchement amusant !

Dajabon, c’est aussi le marché binational du lundi et du vendredi, à l’occasion duquel les vendeurs haïtiens et dominicains débarquent en nombre pour vendre fruits & légumes, vêtements & chaussures, batteries de cuisines, chaises en plastiques ainsi que toute une série d’autres choses plus ou moins utiles … les acheteurs se bousculent, les haïtiens font des allers-retours incessants entre la RP et Haïti, amenant les marchandises, en ramenant d’autres, tout cela générant une effervescence proche de celle d’une fourmilière.

Il y a donc de l’activité dans cette ville frontière, et ce n’est pas pour me déplaire.

J’habite avec Marie, la coopérante belge de Volens, qui est ici pour 2 ans et demi. Elle m’accueille dans son appartement, situé aux « portes » du marché et à, à peine 5 minutes du Centro Puente où nous travaillons toutes les deux. C’est assez commode et bien fichu, je n’ai pas à me plaindre, loin de là ! D’autres coopérant(e)s (Paola – Argentine ; Miguel Angel – RD ; Virginia – Espagne) tous très sympas et bien festifs habitent également dans la même rue, ce qui laisse présager de bonnes soirées.

L’accueil fut également très chaleureux au Centro Puente, où je me sens déjà presque comme chez moi au milieu de Gloria (l’intendante), Marilis (la juriste), Magdalena (la responsable de la boutique d’artisanat), Antonio (qui s’occupe des enfants haïtiens), Miguel Angel (coopérant Progesio), Arcadio (le coordinateur) et Marie… Il manque juste parfois une place pour que je puisse m’installer et travailler mais on s’organise, et on fait avec les moyens du bord. Les lignes de ma mission se dessinent doucement, au gré du temps que Marilis a à me consacrer et du matériel dont je dispose. En attendant, j’observe, je rencontre du monde, j’écoute, je pose des questions pour essayer de comprendre ce qu’on attend de moi et ce qui est réalisable en 3 mois. Il faut de la patience, ce qui n’est pas ma plus grande qualité mais je suis là pour apprendre, cela, entre autres choses qui font partie de la vie de coopérant.

Je pourrais également vous faire part de mes impressions sur le contraste entre dominicains et haïtiens, sur les injustices et les abus dont ces derniers sont victimes, sur leur misère (que je constate déjà de ce côté-ci de la frontière et qui doit être bien pire encore de l’autre côté), sur les différents projets des ONGs qui agissent dans la région, etc mais je préfère laisser cela pour plus tard, afin que mon œil critique s’affine, que mes informations se complètent.

En bref, pour terminer ce deuxième message, voici quand même quelques caractéristiques communes aux dominicains :

-le dominicain (homme comme femme) est ventru

-le dominicain aime mettre la musique à fond la caisse pour que tout le monde partage sa passion pour la bachata ou le merengue, et ce à toute heure du jour ou de la nuit

-le dominicain ne se déplace jamais à pied … il préfère enfourcher sa moto, même pour faire 10 m et trouve étrange que tu marches 4 blocs d’affilée, sans t’arrêter

-le dominicain est mateur et émet un petit bruit entre le psssst et le tsssssst pour attirer l’attention de la fille qu’il reluque, sans aucune gène

-le dominicain boit beaucoup de rhum et de bière, du lundi au dimanche, sans discontinuer

-le dominicain n’aime pas être seul, et ne comprend pas que tu aimes, toi, être parfois seul(e) ou juste un peu à l’écart du monde

-une qualité, quand même, le dominicain est souriant, chaleureux et accueillant … les petits noms dont ils m’affublent allant de mi amor, querida, linda, guapa, bella, preciosa à Sarita sont tous plus adorables les uns que les autres !

La suite au prochain épisode...

Mon projet

Depuis quelques années maintenant, les questions se bousculent dans ma tête quant à ce que je veux faire de ma vie professionnelle, quant au sens que cette vie professionnelle doit revêtir pour moi, quant à mon utilité, quant à mon épanouissement professionnel … vastes questions n’est-ce pas ?! La réorientation du barreau vers le domaine de la coopération internationale que j’ai opérée il y a deux ans, à notre retour d’Amérique du Sud, me convient parfaitement au niveau du secteur d’activités mais dans le secteur privé… cela ne me semble pas toujours très cohérent, outre le fait que je travaille dans l’international mais derrière mon pc, à Bruxelles, loin des projets, loin du terrain. Pour évoluer dans ce secteur et me rapprocher davantage de valeurs dans lesquelles je me retrouve, il n’y a malheureusement pas de secret, il faut partir ! Pas de souci (si ce n’est celui de quitter mon amoureux …), c’était justement ce que je voulais faire depuis notre retour de voyage !

Restait donc à trouver un moyen de partir, une ONG avec laquelle partir (et ce alors qu’à part une mini expérience de volontariat en Bolivie, durant un mois au Centro Intercultural Circo Infantil, je n’ai aucune expérience de terrain et une expertise encore trop jeune pour pouvoir être valorisée). Je souhaitais par ailleurs trouver quelque chose de relativement court, vu qu’il s’agissait de ma première vraie expérience de terrain, sans savoir si cela me plairait, et évidemment, pour ne pas être séparée trop longtemps de mon chéri.

Ce fut chose faite, en mars, lorsque lors de ma consultation hebdomadaire du site d’acodev, j’ai repéré l’annonce de Volens pour un stage d’immersion sur projet. Un fois le dossier rempli, les projets classés dans l’ordre de préférence, les choses se sont passées très vite : acceptation de ma candidature, réunion d’information, demande de congé sans solde au boulot (là, cela a été un peu plus laborieux…), we de formation, choix du projet indiqué en tête de liste confirmé et zou, tout était bouclé !

Le projet de mon choix est donc celui de Centro Puente, à Dajabon, République Dominicaine. Dajabon se situe à la frontière nord entre la Rép. Dom. et Haïti. Les deux communautés se côtoyent donc en permanence et plus particulièrement deux fois par semaine, à l’occasion du marché binational qui se tient du côté dominicain.

Vous connaissez sans doute la situation difficile d’Haïti, non seulement au niveau de sa vulnérabilité aux catastrophes naturelles (cyclones, ouragans, etc) mais également au niveau politique, social et économique (le pays est non seulement le plus pauvre d’Amérique latine mais également un des plus pauvres au monde). On a d’ailleurs coutume de considérer que lorsque l’on passe la frontière entre les deux pays, l’on passe de l’Amérique latine à l’Afrique… Ce déséquilibre entre les deux pays partageant pourtant la même île, le même passé colonial, ainsi que les différences les caractérisant, notamment physiquement et au niveau de la langue parlée, créent un climat de tension entre les populations, de racisme, d’exploitation et d’abus en tous genres.

Le Centro Puente, comme son nom l’indique, essaye donc de créer un pont entre les deux communautés (son pendant existe d’ailleurs de l’autre côté de la frontière, le Sant Pon) et, de par ses différentes initiatives, de rendre les relations entre haïtiens et dominicains plus harmonieuses et plus justes.

Et moi là dedans, que vais-je faire ??? Et bien, je vais appuyer la juriste du Centro dans son travail et plus particulièrement dans le cadre des projets que le Centro essaye de développer pour lutter contre les abus commis contre les droits des femmes qui effectuent un travail domestique (les femmes de ménage quoi, profession assez rependue et constamment abusée), ainsi que contre les droits de vendeuses sur le marché binational, soumise à des taxations abusives et abus en tous genres, notamment de la part de la milice frontalière.

Voilà ce que je j’en sais et ce que je peux vous en dire pour l’instant. Ces informations seront complétées, amendées, corrigées, au fur et à mesure que je prendrai le pouls de la réalité qui se cache derrière ces mots.